mercredi 23 juillet 2014

ETAPE  65:   Refuge du Mont Thabor – Mont-Thabor - Accident

10km; M: 790m; D: 330m


Il était prévu une amélioration du temps dans la journée, qu'on attendra vainement... La montée au Mont-Thabor est un peu plus difficile que prévue malgré la relativement faible dénivelée: sol de schistes glissants. Je passe devant le Grand Séru dont je peux admirer la crête déchiquetée qui évoque, avec un peu d'imagination, localement une girafe.En arrivant au Mont-Thabor, je suis surpris par la présence d'une chapelle, donc à plus de 3000m. Quelle ferveur religieuse a pu conduire à un tel exploit? Elle sera en tout cas bien appréciée pour pique-niquer à l'abri du vent. Le sommet est à 5mn juste derrière la chapelle, malheureusement dans les nuages: ceux-ci donnent pourtant l'impression de monter; je ne vois pas grand-chose du paysage qui doit être impressionnant.


En quittant le col de la Vallée Etroite

Vue sur le Grand Séru, en montant au Thabor

Chemin minéral

Marmotte auprès du lac du Peyron

Lac du Peyron


Le grand Séru, arête déchiquetée avec sa «girafe»

On monte en haut à gauche

Merci pour l'aide

La chapelle du Thabor : il a fallu la construire !

En haut du Mont-Thabor (3186m)

Arête voisine sur le Thabor

En bas du Thabor

Sur l'arête voisine

Repas à l'abri du froid dans la chapelle du Thabor

J'avais prévu d'aller au refuge des Drayères, en redescendant au col des Méandes par lequel j'étais déjà passé à l'aller, et en continuant à descendre au col du lac Blanc (circuit qui semble être le tracé actuel du GR57 qui fait le tour du Mont-Thabor). Je rencontre alors deux randonneurs qui sortent du chemin passant au voisinage des crêtes, qui évite une remontée de 300m. Je décide de suivre ce chemin, alors qu'il traverse de nombreux névés. Grave erreur de ma part, d'autant que le temps n'était pas des plus dégagés. Je suis mon GPS, mais la neige cache aussi les marques sur les rochers. Je pointe avec mon GPS le col que je dois rejoindre, ce qui m'oblige à traverser un nouveau névé, et là je glisse (sur 10 à 15m?) et me réceptionne sur le pied gauche contre un petit rocher. Je constate alors que je ne suis plus en mesure de marcher.

Il est environ 15h30. Je m'installe le plus confortablement possible sur une pierre plate légèrement inclinée, les pieds reposant en contrebas; j'utilise des schistes que je cale sous mes pieds pour ne pas avoir mal. Je garde mon sac à dos accroché: il me tient chaud et me sert d'appui. Je mets mon sifflet de détresse autour du cou. Je sifflerai le SOS à maintes reprise, en vain. Ce peut être cependant un outil utile qui permet de manifester sa présence même étant invisible. Je range aussi ma lampe frontale (capable d'émettre des signaux lumineux clignotants) dans l'autre poche, à tout hasard.

J'appelle le 112 à maintes reprises: aucun réseau. Les nuages continuent à monter, je suis donc dans une atmosphère relativement humide; heureusement que je suis avec un pantalon de randonnée léger mais que j'ai en plus un sur-pantalon étanche; j'ai également une veste de pluie au-dessus d'une polaire.

Vers 18h, je décide d'envoyer un SMS à Francine avec mes coordonnées GPS ainsi que les distances à vol d'oiseau et orientation approximative à 2 cols voisins, pour confirmation: aucune communication. De même un message internet: toujours pas de communication. Je sors de mon sac de quoi manger pour la soirée et également en prévision du lendemain matin (j'ai de quoi manger pour 2 ou 3 jours, en me restreignant). Je fourre aussi mon paquet de raisins secs (il m'en reste 300g) dans ma poche de veste.

Les heures s'égrènent lentement. Je suis à 2750m d'altitude: il fait frais, à côté de mon névé! On peut estimer la température minimum de la nuit aux alentours de 5°C : il faisait en effet 13°C à Briançon cette nuit-là, donc à 1250m d'altitude et la température baisse d'environ 6°C par 1000m de dénivelée. J'ai dû m'assoupir un peu; je constate alors qu'il fait nuit et que les nuages ont disparu: un ciel étoilé sans aucune pollution lumineuse, sauf les avions de ligne qui passent au-dessus de ma tête. Il fait toujours frais, et je claque parfois des dents. Je regarde ma montre à peu près toutes les heures. J'ai coupé le téléphone pour la nuit pour économiser sa charge.

Le jour se lève enfin; il est 6 heures environ: je mange un peu, fromage et pain + 2 gâteaux secs. Je rallume mon téléphone. Vers 7 heures, je regarde mon environnement et constate que je suis plutôt dans un creux. Une belle journée ensoleillée se prépare.
Il y a possibilité de monter un peu sur 100m et 10 à 15m de dénivelée pour arriver à une sorte de replat, ce qui me rapproche aussi d'un torrent que j'avais entendu toute la nuit sans le voir (donc eau si nécessaire). Pour l'atteindre je me traîne en montant dans les schistes, assis, en marche arrière, et en tirant mon sac à dos et mes bâtons de marche. Cela me prend une bonne demi-heure. Il commence à faire plus chaud; je retire ma veste de pluie pour faire apparaître ma polaire de couleur orange vif. Je m'apprête à attendre longtemps... Encore une nuit?

Environ une demi-heure plus tard, j'entends le bruit d'un hélicoptère qui se rapproche, puis le vois au détour de la petite crête voisine qui fonce droit sur moi, puis me dépasse et s'éloigne... pour revenir (il avait dû repérer où se poser). Il se pose à 10 m de moi, et fait envoler mon chapeau qu'on ne retrouvera pas. 3 hommes en sortent avec du matériel et l'hélicoptère s'éloigne à nouveau. Le médecin me demande si je vais bien; bon, pas d'hypothermie. Pas besoin de civière non plus, il suffit de me soutenir par les aisselles, je peux marcher à cloche-pied. L'hélicoptère revient. Je me traîne dedans à même le sol. J'apprendrai alors que le SMS que j'avais envoyé la veille avec mes coordonnées était finalement passé... ce lendemain matin, sans que j'en aie eu l'information en retour.
Merci la technique! La gendarmerie de Briançon prévenue vers 7h45 me déposait vers 8h30 à l'hôpital. Ils étaient déjà passés la veille au soir à la demande du refuge où je devais passer la nuit (donc sans les coordonnées), mais en vain, dans les nuages. Naturellement je remercie beaucoup les gendarmes qui me disent qu'avec les coordonnées précises, ils n'ont eu aucun mal à me retrouver. Ils ont constaté que j'étais bien équipé. La montagne est belle sous ce temps maintenant ensoleillé. Un gendarme me montre la Barre des Ecrins toute proche.

Premier contact en arrivant à l'hôpital: un joli minois bronzé se présente en la personne d'une aide-soignante dont j'ai oublié le prénom: bon pour le moral. Là, tout va très vite: services des urgences avec radios, examens divers où il est constaté que j'ai « un très bon état général », température mesurée à 36,2°C, puis opération dans l'après-midi de la rupture du péroné au niveau du pied, avec plaque en titane à garder à vie et ligaments de l'autre côté remis en place. Immobilisation 6 semaines puis rééducation nécessaire de la cheville. Je constaterai 2 jours plus tard, lors des premiers essais avec les béquilles, que j'ai aussi une entorse à la cheville droite: nécessité d'une attelle en plus de ce côté. Un grand merci au personnel de l'hôpital pour pour sa compétence et son accueil.

Le retour au domicile s'est fait par ambulance avec deux accompagnateurs sympathiques; un comité d'accueil avec mes voisins m'attendait dans la bonne humeur.


Vue de la chambre d'hôpital

Prêt pour le rapatriement

Accueil avec le sourire

Je m'en sors plutôt bien. Je n'aurais jamais dû continuer sur ce chemin, au départ convenable, mais qui se perdait ensuite. Une bonne leçon: rester sur les chemins « standard », du moins vu mon niveau de connaissance technique et ne pas hésiter à faire demi-tour si nécessaire. Je garderai longtemps en mémoire le paysage superbe du site où je me trouvais; je n'ai malheureusement pas pris de photo, voulant garder le plus possible d'énergie pour mon téléphone. Je n'avais pas de couverture de survie: c'est une erreur, que je corrigerai à l'avenir, d'autant qu'elle ne pèse que 30g! J'ai eu de la chance qu'il ne fasse pas plus froid et qu'il ne pleuve pas cette nuit-là. Le SMS est le média à utiliser en priorité, vu son efficacité.

Là se termine pour cette année mon petit périple le long du GR5, 400km tout de même avec 20000m de dénivelée en montée et autant en descente; en fait, on ne se rend pas compte de l'effort fourni qui est très progressif avec des randonnées journalières de 5 à 8 h de marche: que de bons souvenirs, des rencontres insolites, des paysages... Il y a bien sûr cet accident regrettable, qui a bloqué net mon projet, mais plus dommageable, il y en avait d'autres aussi avec Francine, qui ont ainsi été compromis.
Il faut voir maintenant cet incident comme une expérience dont il faudra tenir compte à l'avenir. A l'année prochaine, avec de bonnes résolutions...


6 commentaires:

  1. Cher Popeye GG,

    je suis desolé pur ton accident. Glisser sur des névés raides peut être très dangereux. Je suis sûr che tu guériras tôt et au plus tard l'année prochaîne tu pourras continuer ta rondonée jusqu'à la Méditerranée.
    J'ai lu les contes de tes dernières étapes et j'ai hâte de lire la continuation en 2015.
    Ma randonnée s'est deroulée dans une manière plus agréable: vendredi 18 juillet j'ai passé la nuit au refuge Le Repoju (hameau Les Prioux). Le lendemain le temps se dégradait. Je suis monté au Col de Chavière ou je suis arrivé les 12 heures. La vue était saisissante mais le Mont Blanc n'etait plus visible. Après une pause au bord du Lac de la Partie je suis descendu jusqu'au refuge Porte de l'Orgère. Je n'avais plus envie d'aller jusqu'à Modane bien che le temps ait suffi. Dimanche 20 julliet il pleuvait beaucoup et le 11 heures je suis arrivé à Modane où ma randonnée s'est terminée. Souvent je me souviens des belles montagnes du massif de la Vanoise.
    Bon courage!

    Robert, le médecin anesthésiste autrichien

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  2. quel souvenir ces sommets vus de la chambre de l'hôpital !! j'attends les compte-rendus des etapes 2015, mais attention à la surcharge sur la jambe gauche (la plaque et les vis en plus!!!) bon retablissement!

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    1. Bonjour mon voisin de chambre d'hôpital!

      Nous avons effectivement un double souvenir commun:
      - visuel: la vue imprenable depuis notre chambre d'hôtel
      - auditif: le bruit des hélicoptères passant au-dessus de notre fenêtre (moi, j'en au vu aussi la couleur, même si j'aurais préféré en d'autres circonstances!)
      J'en suis arrivé à l'avant-dernière phase, qui va durer un mois complet, puisque j'ai reçu aujourd'hui mon plâtre définitif, heureusement en résine, car ça pèse déjà assez, jusqu'au 8 septembre. A près ce sera la rééducation...
      Je suppose qu'il en est de même pour vous, et j'espère que le rapatriement ne sera pas trop pénible.
      Bon courage à vous et soyez patient!
      Cordialement.
      Gérard.

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    2. Joli lapsus entre hôtel et hôpital...
      Que doit-on en déduire?

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    3. Bien sûr, il fallait lire, dans mon commentaire du 8 août, "chambre d'hôpital" et non "chambre d'hôtel". Il est vrai que pour un hôpital, nous n'avions pas à nous plaindre: sérieux bien sûr, mais aussi ambiance agréable et même repas goûteux et variés.

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  3. :-) je n'avais meme pas repéré la chambre "d'hotel" !! de toute façon vu l'état des deux colocataires on ne risque pas d'en déduire grand chose..bref, la chambre d'hotel était agréable, mais le restaurant est également à recommander...
    (moi.nicolas75@laposte.net) si vous voulez, pour se donner des nouvelles de l'avancement des "travaux" , et ne pas pourrir le blog qui est dédié avant tout aux étapes et non à la chirurgie..;a bientot

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