ETAPE 65: Refuge du Mont Thabor – Mont-Thabor - Accident
10km; M: 790m; D: 330m
Il était prévu une amélioration du temps dans la journée, qu'on attendra vainement... La montée au Mont-Thabor est un peu plus difficile que prévue malgré la relativement faible dénivelée: sol de schistes glissants. Je passe devant le Grand Séru dont je peux admirer la crête déchiquetée qui évoque, avec un peu d'imagination, localement une girafe.En arrivant au Mont-Thabor, je suis surpris par la présence d'une chapelle, donc à plus de 3000m. Quelle ferveur religieuse a pu conduire à un tel exploit? Elle sera en tout cas bien appréciée pour pique-niquer à l'abri du vent. Le sommet est à 5mn juste derrière la chapelle, malheureusement dans les nuages: ceux-ci donnent pourtant l'impression de monter; je ne vois pas grand-chose du paysage qui doit être impressionnant.
En quittant le col de la Vallée Etroite
Vue sur le Grand Séru, en montant au Thabor
Chemin minéral
Marmotte auprès du lac du Peyron
Lac du Peyron
Le grand Séru, arête déchiquetée avec sa «girafe»
On monte en haut à gauche
Merci pour l'aide
La chapelle du Thabor : il a fallu la construire !
En haut du Mont-Thabor (3186m)
Arête voisine sur le Thabor
En bas du Thabor
Sur l'arête voisine
Repas à l'abri du froid dans la chapelle du Thabor
J'avais prévu d'aller au refuge des Drayères, en redescendant au col des Méandes par lequel j'étais déjà passé à l'aller, et en continuant à descendre au col du lac Blanc (circuit qui semble être le tracé actuel du GR57 qui fait le tour du Mont-Thabor). Je rencontre alors deux randonneurs qui sortent du chemin passant au voisinage des crêtes, qui évite une remontée de 300m. Je décide de suivre ce chemin, alors qu'il traverse de nombreux névés. Grave erreur de ma part, d'autant que le temps n'était pas des plus dégagés. Je suis mon GPS, mais la neige cache aussi les marques sur les rochers. Je pointe avec mon GPS le col que je dois rejoindre, ce qui m'oblige à traverser un nouveau névé, et là je glisse (sur 10 à 15m?) et me réceptionne sur le pied gauche contre un petit rocher. Je constate alors que je ne suis plus en mesure de marcher.
Il est environ 15h30. Je m'installe le plus confortablement possible sur une pierre plate légèrement inclinée, les pieds reposant en contrebas; j'utilise des schistes que je cale sous mes pieds pour ne pas avoir mal. Je garde mon sac à dos accroché: il me tient chaud et me sert d'appui. Je mets mon sifflet de détresse autour du cou. Je sifflerai le SOS à maintes reprise, en vain. Ce peut être cependant un outil utile qui permet de manifester sa présence même étant invisible. Je range aussi ma lampe frontale (capable d'émettre des signaux lumineux clignotants) dans l'autre poche, à tout hasard.
J'appelle le 112 à maintes reprises: aucun réseau. Les nuages continuent à monter, je suis donc dans une atmosphère relativement humide; heureusement que je suis avec un pantalon de randonnée léger mais que j'ai en plus un sur-pantalon étanche; j'ai également une veste de pluie au-dessus d'une polaire.
Vers 18h, je décide d'envoyer un SMS à Francine avec mes coordonnées GPS ainsi que les distances à vol d'oiseau et orientation approximative à 2 cols voisins, pour confirmation: aucune communication. De même un message internet: toujours pas de communication. Je sors de mon sac de quoi manger pour la soirée et également en prévision du lendemain matin (j'ai de quoi manger pour 2 ou 3 jours, en me restreignant). Je fourre aussi mon paquet de raisins secs (il m'en reste 300g) dans ma poche de veste.
Les heures s'égrènent lentement. Je suis à 2750m d'altitude: il fait frais, à côté de mon névé! On peut estimer la température minimum de la nuit aux alentours de 5°C : il faisait en effet 13°C à Briançon cette nuit-là, donc à 1250m d'altitude et la température baisse d'environ 6°C par 1000m de dénivelée. J'ai dû m'assoupir un peu; je constate alors qu'il fait nuit et que les nuages ont disparu: un ciel étoilé sans aucune pollution lumineuse, sauf les avions de ligne qui passent au-dessus de ma tête. Il fait toujours frais, et je claque parfois des dents. Je regarde ma montre à peu près toutes les heures. J'ai coupé le téléphone pour la nuit pour économiser sa charge.
Le jour se lève enfin; il est 6 heures environ: je
mange un peu, fromage et pain + 2 gâteaux secs. Je rallume mon
téléphone. Vers 7 heures, je regarde mon environnement et constate
que je suis plutôt dans un creux. Une belle journée ensoleillée se
prépare.
Il y a possibilité de monter un peu sur 100m et 10 à
15m de dénivelée pour arriver à une sorte de replat, ce qui me
rapproche aussi d'un torrent que j'avais entendu toute la nuit sans
le voir (donc eau si nécessaire). Pour l'atteindre je me traîne en
montant dans les schistes, assis, en marche arrière, et en tirant
mon sac à dos et mes bâtons de marche. Cela me prend une bonne
demi-heure. Il commence à faire plus chaud; je retire ma veste de
pluie pour faire apparaître ma polaire de couleur orange vif. Je
m'apprête à attendre longtemps... Encore une nuit?
Environ
une demi-heure plus tard, j'entends le bruit d'un hélicoptère qui
se rapproche, puis le vois au détour de la petite crête voisine qui
fonce droit sur moi, puis me dépasse et s'éloigne... pour revenir
(il avait dû repérer où se poser). Il se pose à 10 m de moi, et
fait envoler mon chapeau qu'on ne retrouvera pas. 3 hommes en sortent
avec du matériel et l'hélicoptère s'éloigne à nouveau. Le
médecin me demande si je vais bien; bon, pas d'hypothermie. Pas
besoin de civière non plus, il suffit de me soutenir par les
aisselles, je peux marcher à cloche-pied. L'hélicoptère revient.
Je me traîne dedans à même le sol. J'apprendrai alors que le SMS
que j'avais envoyé la
veille avec
mes coordonnées était finalement passé... ce
lendemain
matin, sans que j'en aie
eu l'information en retour.
Merci
la technique! La gendarmerie de
Briançon prévenue
vers 7h45 me déposait vers 8h30 à l'hôpital. Ils étaient déjà
passés la veille au soir à la demande du refuge où je devais
passer la nuit (donc sans les coordonnées), mais en vain, dans les
nuages. Naturellement je remercie beaucoup les gendarmes qui
me
disent qu'avec les coordonnées précises, ils n'ont eu aucun mal à
me retrouver. Ils
ont constaté que j'étais bien équipé. La
montagne est belle sous ce temps maintenant ensoleillé. Un gendarme
me montre la Barre
des Ecrins
toute proche.
Premier
contact en arrivant à l'hôpital: un joli minois bronzé se
présente en la personne d'une aide-soignante dont j'ai oublié le
prénom: bon pour le moral. Là,
tout va très vite: services des urgences avec radios, examens divers
où il est constaté que j'ai « un très bon état général »,
température mesurée à 36,2°C,
puis opération dans l'après-midi de la rupture du péroné au
niveau du pied, avec plaque en titane à garder à vie et ligaments
de l'autre côté remis en place. Immobilisation 6 semaines puis
rééducation nécessaire de la cheville. Je constaterai 2 jours plus
tard, lors des premiers essais
avec
les béquilles, que j'ai
aussi une entorse à la cheville droite: nécessité d'une attelle en
plus de ce côté. Un
grand merci au personnel de l'hôpital pour pour sa compétence et
son accueil.
Le retour au domicile s'est fait par ambulance avec deux
accompagnateurs sympathiques; un comité d'accueil avec mes voisins
m'attendait dans la bonne humeur.
Vue de la chambre d'hôpital
Prêt pour le rapatriement
Accueil avec le sourire